Pas toujours évident pour les observateurs extérieurs de comprendre ce qu’il se passe en Birmanie. Encore aujourd’hui, face à la détresse de son propre peuple, et au refus catégorique d’accepter l’aide internationale, les journalistes étrangers se cachent souvent derrière des termes comme junte ou dictature militaire pour comprendre comment fonctionne le régime de la Birmanie contemporaine.
Dans l’article d’aujourd’hui, nous vous proposons des éléments de piste pour comprendre comment fonctionne cette junte qui semble vouloir se couper du monde. En effet, le gouvernement birman semble parfois, et à bien des égards, comme encore plus fermé que la Corée du Nord, qui avait eu une réaction bien différente suite aux grandes famines des années 1990, par exemple.
Entre répression sanglante, décisions stratégiques prises sur les conseils d’astrologue et en fonction du chiffre fétiche de la junte birmane (le 9), difficile de décoder le pouvoir militaire qui même s’il a été destitué suite aux changements démocratiques récents qu’a connu la Birmanie, fait toujours planer son ombre au-dessus du pays.
Le pouvoir de la junte birmane
La junte birmane (que l’on connait également sous le nom officiel de CEPD, pour Conseil d’Etat pour la Paix et le Développement) règne sur la politique birmane depuis 1988. C’est en effet à cette date que les généraux militaires ont destitué le gouvernement en place suite à un coup d’état. Depuis plus de 20 ans, la junte birmane a depuis mis en place une idéologie politique teintée de xénophobie et de nationaliste. Et prône l’autarcie, coupant le pays des ressources extérieures, et coupant par moment toute relation commerciale avec ses voisins.
Depuis, les choses ont progressivement changé. Et on trouve de plus en plus d’entreprises (notamment chinoises, thailandaises, ou même russes) pour exploiter son sol, très riche en ressources. Mais il faut savoir que cela a fait suite à de nombreuses années de sanctions occidentales. Et de fortes pressions politiques qui ont énormément isolé la Birmanie.
Un lent processus de démocratisation
Depuis 2003, les choses changent au Myanmar. Et la junte militaire a bien été obligé de se plier et d’accompagner le processus de démocratisation. Une décision qui peut être incongrue de la part d’un gouvernement considéré par nombreux de ses citoyens, mais aussi par les autres pays comme une dictature.
Il faut savoir que malgré les apparences, la junte birmane se cherche depuis toujours une légitimité, qu’elle aurait perdu suite à son coup d’état et à l’abrogation de la constitution. Le processus de transition démocratique s’inscrit dans cette volonté, et sur le temps long puisqu’il aurait débuté en 1993. Mais ce n’est qu’en 2003 qu’est officialisé une feuille de route, proposant un référendum et l’adoption d’une nouvelle constitution. Cette dernière avait cependant pour objectif de réaffirmer le pouvoir de la junte, et donc de la légalisé en interne et sur le plan international (notamment en collant à l’acceptation de la démocratie occidentale).
De ce fait, et même si on pouvait penser que la Birmanie se dirigerait vers un état plus démocratique, et un gouvernement civil, les attentes ont été souvent déçues. La tenue d’élection (au niveau local et national), la mise en place d’un parlement se réunissant pour voter les lois et la nomination de membre du gouvernement issus de la société civil cache difficilement la main mise que conserve la junte. Aussi bien sur les aspects politiques qu’économiques du pays.
Le rôle de la junte dans les derniers évènements de la Birmanie
Depuis 2007, tout s’est d’ailleurs accéléré dans la transition d’un pouvoir militaire tenu par la junte à une transition démocratique, plus ou moins chaotique. Cette année là, un mouvement de contestation à échelle nationale éclate (plus précisément au mois d’août et jusqu’en Septembre). Il est principalement mené par des moines, qui donneront d’ailleurs leur nom à la révolution de safran (la couleur de leur toge). Les manifestations débutent dans la capitale du pays (qui était alors Rangoun) et dénoncent principalement la cherté de la vie (et l’augmentation du prix des transports publics).
Dès le mois de septembre, le mouvement devient de plus en plus important. Et la junte birmane militaire décide de le réprimer très durement. De nombreuses violences sont commises sur les manifestants, qui ne seront d’ailleurs jamais contestée ou même excusées officiellement. Les militaires opéraient régulièrement des rafles dans les monastères. Ils arrêtaient aussi par centaines les étudiants et membre de la Ligue Nationale pour la Démocratie qui s’étaient alliés à la contestation.
2008 : la junte face au cyclone et au référendum constitutionnel
En 2008, les choses vont également se compliquer pour la junte birmane. Qui accepte de tenir un référendum sur les réformes constitutionnelles. Ce dernier doit se tenir dans le courant de l’année, après une annonce faite en février. Cependant, la Ligue nationale pour la démocratie menée depuis sa résidence surveillée par Aung San Suu Kyi affirme qu’il s’agit d’un leurre et que cette nouvelle constitution ne fera que renforcer le pouvoir dont dispose déjà la junte birmane. Ce que ne démentent d’ailleurs pas vraiment les militaires qui souhaitent établir une « démocratie ou fleurit la discipline ».
Mais c’était sans compter l’arrivée du cyclone Nargis, qui va frapper très durement le pays le 2 mai 2008. Ce cyclone de catégorie 4 va faire beaucoup de ravages dans la région de Rangoon, provoquant le décès de plus de 130 000 personnes (parmi lesquels de nombreux portés disparus). Suite à son passage dévastateurs, on dénombre près de 3 millions de sans abri, qui tentent de survivre dans une situation de chaos total puisque la junte refuse l’arrivée de l’aide humanitaire. D’ailleurs, les services météorologiques internationaux avaient tenté de prévenir la junte de l’arrivée de Nargis près de 2 jours avant qu’il ne frappe le pays. Une information qui aurait été très mal communiqué en Birmanie.
Malgré cela, le référendum est bien organisé une semaine plus tard. Il réunira près de 98 % de la population dans les urnes. La junte est dissoute seulement 3 ans plus tard, durant l’intronisation du président de la république du Myanmar, Thein Sein.
2010 : élections démocratiques et fin du pouvoir de la junte birmane ?
Conformément aux mesures et engagements pris par la junte, les premières élections démocratiques birmanes se déroulent en novembre 2010. Beaucoup d’observateurs internationaux dénoncent cependant un simulacre de démocratie. Des critiques qui émanent également de l’opposition en Birmanie. Et notamment du mouvement de la Ligue nationale pour la Démocratie d’ Aung San Suu Kyi. Cette dernière refuse d’ailleurs tout bonnement d’y participer, et c’est sans surprise que le parti de la junte (l’USDP) obtient plus des trois quarts des sièges de l’assemblée.
En 2011, c’est d’ailleurs le premier ministre de ce gouvernement sur lequel pèse lourdement l’ombre de la junte birmane qui devient président. Il s’agit néanmoins d’un gouvernement civil (le premier depuis plus de 50 ans), même si on trouve toujours en son sein de nombreux généraux. On voit également quelques changements dans la politique intérieure, comme la libération d’ Aung San Suu Kyi en 2011 également.
Une fois libre, elle parcourt le pays avec son mouvement (désormais légal). La presse est de moins en moins censurée. Et les travailleurs ont le droit de se réunir en syndicats et de faire grève. Une commission dédiée aux droits de l’homme est également créée, travaillant principalement sur la question des prisonniers politiques, dont un certain nombre sont graciés, principalement pour des raisons humanitaires.
Le pays s’ouvre également à la visite de chefs d’état et représentants de gouvernements internationaux, autrefois ennemis. En 2011, Hillary Clinton (alors responsables des relations diplomatiques) se rend en Birmanie pour discuter de son évolution sur le plan de la politique extérieure. Des cessez le feu sont également décidés avec des voisins comme la Chine.
La junte birmane a-t-elle été réellement dissoute après la transition démocratique
Depuis que la Birmanie est démocratique, il n’en reste pas moins que de graves atteintes aux droits de l’Homme sont toujours régulièrement rapportés par les ONG. Et même si le pays est actuellement dirigée par l’une de ces icônes, Aung San Suu Kyi, les rohingyas font sans conteste partie des populations les plus persécutées au monde.
Après un demi-siècle de dictature militaire, la transition démocratique se fait doucement. Et le pays doit composer avec son passé, et les forces politiques et économiques en présence qui en découlent pour écrire son présent. Les nombreuses années de junte birmane, d’autarcie économique et d’isolement sur la scène internationale ne vont en effet pas être balayé d’un revers de la main.